Nouvelle acquisition : L’influence culturelle allemande à Charleville pendant la Première Guerre mondiale
Un programme à destination des troupes allemandes
Les archives municipales de Charleville-Mézières viennent d’acquérir un nouveau document, soulignant l’inscription allemande pendant la Première Guerre mondiale à Charleville, inscription à la fois territoriale et culturelle. Ce document est imprimé chez Anciaux au 37 rue de l’Arquebuse, probablement à la demande des autorités allemandes. Charleville fut, en effet, occupée dès 1914, le Grand Quartier Général allemand s’y installe et elle est nommée capitale du Reich. Pendant cette période, Charleville et tout le département ardennais sont durement touchés par les pénuries alimentaires, le travail forcé, les réquisitions et la violence.
Cette affiche bilingue est conçue de manière à mettre en valeur la langue allemande, placée systématiquement à gauche, en position de primauté dans le sens de lecture. Il est donc intéressant d’y remarquer jusqu’où s’inscrit l’empreinte allemande pendant l’occupation. Le territoire ardennais est isolé, puisque les Allemands rendent toute communication avec le reste du pays presque impossible. Cela étant dit, le régime s’assouplit tout de même après 1916. Cette priorité, donnée à la langue allemande, nous démontre une volonté de normalisation de la présence allemande dans la vie civile, bien que nous ne soyons pas face à un cas de germanisation radicale comme en Alsace-Moselle.
Le contenu de l’affiche quant à lui est aussi révélateur : il s’agit d’un programme de "Kriegskino", un cinéma de guerre organisé par les autorités militaires pour distraire les troupes. On y annonce d’abord des actualités filmées du front Est et Ouest, véritables instruments de propagande. Arrivent ensuite trois productions plus légères, dont « Moulin Rouge », probablement une adaptation théâtrale ou cinématographique d’une comédie parisienne connue. Le militaire reste alors omniprésent dans la mesure où ce cinéma de guerre est organisé par les autorités militaires prioritairement pour les soldats. Autre détail intéressant, le prix pour les civils ardennais est de 60 pfennig (centième de Deutsche Mark), tandis qu’il varie entre 20 et 50 pour les soldats allemands.
En définitive, cette affiche d’apparence anodine, fait en réalité témoin de la stratégie d’occupation mise en place par les allemands dans les Ardennes. Cette domination s’articule sur différents plans, autant par la contrainte militaire que par l’ancrage culturel et symbolique. Ce document nous rappelle donc que les espaces de divertissement participent aussi à une logique de contrôle.